Une conclusion sur Apocalypse de Jean :
Le croyant témoin au sein d'un universalisme opposé à Dieu.
L'opposition de l'auteur de l'Apocalypse de Jean au modèle impérial romain s'enracine dans une analyse particulièrement critique de la situation politique telle qu'elle se présente au premier siècle de notre ère. Jean de Patmos interprète l'universalisme romain qui s'impose à tous les peuples du Bassin méditerranéen comme une véritable menace. La puissance impériale est dénoncée comme système prétendant régir l'entièreté de l'existence humaine au plan politique, culturel et économique, réprimant par la violence ceux qui refusent de se plier à ses règles. Il s'agit pour Jean d'opposer une résistance spirituelle à cette logique, d'instituer le croyant en dissidence par rapport à elle et d'annoncer sa fin inéluctable.
Face à la prétention d'universalité de l'ordre romain et à la hiérarchisation de la vie en société profondément inégalitaire qui l'accompagne, Jean se fait le promoteur d'un universalisme qualitativement différent, d'une organisation sociale autre que celle proposée par Rome : des hommes de toutes langues, nations et tribus (Ap 7:9), rendent un culte à l'agneau et constituent, indépendamment d'une appartenance sociale ethnique ou sexuelle, le nouveau peuple de Dieu, un peuple de « rois » et de « prêtres » (Ap 1:6). Cette conviction, littéralement révolutionnaire en ce qu'elle renverse les hiérarchies structurant la société romaine, constitue le croyant comme dissident au cœur du monde.
C'est pourquoi, en lieu et place de la marque de la bête qui implique aux yeux de tous la classe à laquelle chacun appartient (Ap 13:16), Jean proclame que ce qui qualifie l'individu n'est pas une marque visible - quelque chose qui se voit - mais une nomination, c'est-à-dire quelque chose qui relève de l'écoute :
le nom nouveau, inscrit dans le « livre de vie » (Ap 3:5), nom caché et donc protégé des puissances, connu seulement de celui qui le reçoit (Ap 2:17).
On comprend mieux pourquoi l'apocalypse a pu constituer pour Jean de Patmos un cadre préexistant adapté à sa compréhension de l'évènement pascal.
La puissance contestatrice de la pensée apocalyptique constitue un terrain naturellement favorable à sa proclamation, non pas tant de la « fin du monde» que de la « fin d'un monde », celui de la puissance romaine et de l'organisation de la société qui l'accompagne, organisation imposée par la séduction ou la répression. Dire si Jean de Patmos est un prophète qui a entrevu longtemps à l'avance la fin de la Grande Babylone* alors au faite de sa gloire (Ap 17-18), ou s'il est un radical aux positions trop excessives, relève d'un débat qui nous ferait sortir du propos historique et exégétique dans les limites duquel j'ai choisi de rester.
Extrait du livre "Les prophètes de la Bible et la fin des temps" Lectio divina - Cerf 2010 - Collectif
Chapitre "Jean de Patmos, prophète de la fin d'un monde", Conclusion p 271-272 Elian Cuvillier
(les titres et les soulignements ont été ajoutés)
(*) Dans cet article, la Grande Babylone est décrite dans le contexte originel de l'époque de Jean de Patmos. Et elle est probablement la figure de celle de la fin des temps.
Pour aller plus loin : Babylone de la fin des temps (Apocalypse 17 et 18)
Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi.
Vous aurez des tribulations dans le monde ;
mais prenez courage, j'ai vaincu le monde.
Jean 16:33
Parce que tout ce qui est né de Dieu remporte la victoire sur le monde,
et la victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi.
1 Jean 5:4
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